lundi 12 décembre 2011

Monsieur Hulot : un personnage hors temps




C'est en 1953 que le personnage de Monsieur Hulot apparait pour la première fois à l'écran dans le film : Les vacances de Monsieur Hulot.


 
     Personnage sorti tout droit d'un film muet dans le monde du parlant, la silhouette de Monsieur Hulot est reconnaissable au premier coup d’œil: une pipe au bec, vêtu d'un pantalon trop court, de son éternel imperméable et de son chapeau mou, des mains posées au creux des reins de manière presque désinvolte, une démarche rebondissante défiant les lois de la gravité et une allure qui penche et qui nous donne envie de la redresser à tout moment de peur de la voir tomber (de la même façon qu'Hulot lui même ne peut s'empêcher de surveiller la lente et inévitable chute de la guimauve du marchand de glace dans Les Vacances de Monsieur Hulot).. Apparence atypique, originale qui laisse présumer de son caractère..
Et en effet, c'est à travers ce personnage amusant que Tati illustre sa vision critique de la modernité.








On peut alors se demander si pour trouver le nom d'Hulot, Tati ne se serait pas inspiré de la chouette Hulotte. Chouette sympathique mais égarée lorsqu'elle sort en plein jour. De la même façon Hulot est un personnage égaré.
Totalement perdu devant l'accélération et l'urbanisation d'une nouvelle ville toujours de plus en plus moderne, image d'une nouvelle société qui commence à apparaitre, au détriment d'une certaine humanité.  

Le réalisateur pose alors une question existentielle : L'homme trouve t il sa place dans ce monde qui change?


Monsieur Hulot ne semble pas la trouver dans la trépidation de cette vie moderne. Personnage résolument naïf, accumulant les maladresses dans un monde qui bouge trop vite,incapable et refusant de s'adapter à une évolution si rapide des mœurs et des styles de vie, Hulot est resté dans une vie humaine, appréciant les plaisirs simples.


Et cela dérange..

En effet, son originalité et sa manière de vivre qui ne suit pas les lignes prédéfinies par la société, déplait à son entourage, et ce malgré lui.
Hulot ne ressemble pas à la vie moderne qui se dessine. Il sait encore apprécier les choses simples de la vie, prendre son temps, aider son prochain, et puis rire. Et cela peut expliquer qu'il ne plaise pas à son entourage.

Dans Mon Oncle, son beau frère M. Arpel, le considère comme un oisif, un irresponsable incapable de travailler sérieusement alors que finalement, Hulot n'est juste pas fait pour suivre le rythme froid et industriel de l'entreprise Plastac de son beau frère.
Par contre, Gérard son neveu l'adore. Et ce, parce qu'Hulot n'est pas sérieux : il l'amène jouer dans les terrains vagues, participe contre son gré parfois, à ses bêtises de gosse mais ne le sermonne jamais, lui offre des jouets amusants et surtout, il le tient par la main. Geste anodin et pourtant, geste que Gérard ne partage jamais avec son père qui est trop pris dans ses affaires (mais qu'il partagera finalement lors de la toute dernière scène du film comme si Hulot avait fini par réussir à dépeindre de son humanité sur son beau frère.)Pour Michel Chion :" Quel chemin compliqué ne faut il pas pour amener la main d'un enfant vers celle de son père!"...


Détesté par ceux qui ne le comprennent pas et qui sont dépassés par cette homme qu'ils trouvent curieux, aimés par d'autres qui sont encore animés par une âme d'enfant : Gérard, la jeune fille dans les Vacances de Monsieur Hulot touchée par sa gentillesse et son humour décalé, la vieille anglaise qui rit de ses bêtises...et d'autres encore.



     Monsieur Hulot a également été un personnage admiré pour son originalité et son indépendance:
En effet dans Les vacances de Monsieur Hulot, un personnage en particulier incarne cette idée d'admiration dissimulée : celui du mari toujours en ballade avec sa femme. A la fin des vacances, tout le monde se quitte comme si l'on ne s'était jamais rencontré.. Monsieur Hulot s'en va sans que personne ne lui dise au revoir, à l'exception de la vielle dame anglaise qui espère le revoir l'année prochaine et cet homme marié. Ce personnage est très symbolique et exprime à lui seul, la détresse intérieure commune de l’ensemble des habitants. En effet, tout au long du film, on le voit suivre sa femme toujours plusieurs mètres derrière elle d’avantage comme une obligation qu’un réel plaisir partagé. Lors des adieux, celui-ci se hâte alors après avoir vérifié que sa femme ne le regardait pas, d’aller serrer chaleureusement la main à M. Hulot l’air ravi et admiratif en le remerciant, bien qu'ils ne se soient jamais adressé la parole... Ce remerciement exprime alors toute la reconnaissance de cet homme, victime d'une ligne de conduite conformiste pesante et infranchissable, face à Hulot qui a été le symbole révélateur d’une liberté enviée.



Ainsi Monsieur Hulot est une figure atypique, et finalement pas tant que ça...A travers ce rôle c'est Tati que l'on aperçoit. Tati et son refus d'accepter cette nouvelle vie moderne, déshumanisée et insensée. 
Hulot est donc un homme qui ne voit pas et ne veut pas voir le temps passé. On peut alors penser à l'image dans Mon Oncle, d'un Monsieur Hulot qui se retrouve gêné devant sa jeune voisine qui hier encore n'était qu'une fillette qui lui offrait des bonbons et qui soudain est devenue une jeune fille.

Pour conclure, Pierre Yves Bourdil dans sa monographie de Franquin nous parle du personnage de bande dessinée Gaston Lagaffe, propos qui peuvent alors tout à fait être retranscrits au personnage d'Hulot : en effet, comme Gaston, Hulot devient le symbole d'une hostilité de plus en plus affirmée à la modernité. Cependant ce dernier n'est pas hostile en soi au monde moderne, mais seulement lorsque ce monde interdit la fantaisie de l'individu. Hulot résiste donc par ses gags et représente une forme de comique à l'état pur, comique de l'ordre du décalage, de l'anomalie, de l'écart.. Le refus d'Hulot de suivre les chemins tout tracés et son entêtement involontaire à faire échouer toute forme d'action qui ne lui ressemble pas, en font le parasite d'un nouveau monde bourgeois et conformiste. 



[Les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux.] G. Brassens






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